Je préfère l’arsenic en sorbet
La nuit vient de tomber et dans la rue, glaciale pour cette fin d’automne, un homme s’affaire à allumer les lampadaires (je ferais deux phrases ici... : La nuit vient de tomber. Dans la rue, glaciale en cette fin d'automne, ...). Il passe rapidement devant la devanture lumineuse d’un restaurant. Manquant d’écraser le malheureux, une luxueuse berline noire s’immobilise à côté du trottoir. Les chevaux tirant la voiture hennissent tandis que le gazier file en direction d’un nouveau lampadaire. De la plage arrière descendent deux gardes en uniforme bariolé, fusils en bandoulière. Le cochet, un homme courbé disparaissant sous une longue cape noire met pied à terre à son tour. Il se dirige vers la portière
, qu’il (la virgule avant le pronom relatif me dérange, tu peux soit la supprimer soir modifier la formulation : ... vers la portière, l'ouvre...) ouvre avec cérémonie. Une belle femme, la quarantaine bien entamée, sors du véhicule. Malgré le froid ambiant, elle n’est vêtue que d’une robe rouge, cousue de dentelles et
(de ?) mousselines. Une robe superbe, d’une finesse incomparable.
Un objet unique d’ailleurs, car le couturier qui l’a conçue est mort peu de temps après l’achèvement de son œuvre. Assassiné pour une bête histoire de créance. (la dernière phrase est un complément de couturier, c'est bizarre de la séparer...)La femme regarde l’avenue crasseuse. Une charrette tirée par un âne remonte lentement la voie pavée, guidée par un homme au visage cireux. Dans la charrette s’entasse une dizaine de corps emballés
par (je mettrai plutôt dans que par ici...) des linceuls blancs.
C’est une époque où l’on meurt beaucoup. De maladie d’abord, car l’hygiène des villes est déplorable, le grand nombre de cadavres y pourrissant n’arrangeant rien, mais aussi de la main des assassins. (Ce passage mériterait d'être réécrit un peu... si tu commences par "De ... d'abord" on s'attend à une expression du type "de ... ensuite/enfin"... De plus, le long complément casse le rythme et la dernière partie (mais aussi de la main des assassins) vient un peu comme un cheveu sur la soupe, c'est d'autant plus dommage que c'est un élément important pour la suite de l'histoire.) Car il est dans les mœurs d’ici de s’entretuer pour pas grand-chose. Une coucherie, quelques dettes, une dispute : tout est prétexte
à mourir (Là on a l'impression que le taux de suicide est élevé... si tu dis "au meurtre", ce serait pour moi meilleur). La bourgeoisie n’est pas épargnée : tout le monde a droit à son lot de victimes. Bien sûr les forces de police s’opposent à ses tueries, mais la corruption et le grand nombre d’assassinats lui
complique(nt) la tâche. Cette sinistre pratique qu’est de trucider son voisin pour un oui ou pour un non est devenue tellement normale avec le temps que certaines règles se sont mises en place. On
fait toujours appelle (fait ... appel) à des assassins professionnels. On ne s’entretue qu’entre gens d’une même classe sociale. Les riches ordonnent la mort
de d’autres riches, et les pauvres celle
de d’autres pauvres. Ces règles, étrangement, on y déroge rarement.
La macabre charrette dépasse la berline arrêtée sur le bord de l’avenue. La femme en robe rouge la
suis (suit) du regard quelques
instant (instants) encore avant de s’en désintéresser. D’un geste nonchalant de la main, elle fait signe à ses gardes de la laisser.
Ils remontent sur la voiture, et se frottent les mains pour se réchauffer. (la virgule casse le rythme...) Elle s’avance vers l’entrée du restaurant. Sur la devanture, il n’y a ni enseigne, ni quoi que ce soit indiquant la fonction du bâtiment. C’est inutile : ceux qui ont les moyens d’y venir savent qu’il est ici. Devant la porte en chêne, un homme en costume noir fume tranquillement. De la poche de son veston dépasse une digitale desséchée. Elle s’amuse de ce détail, et fouille dans ses souvenirs. Elle n’arrive pas à se remémorer une fois où elle aurait vu cette veste dépourvue de la fleur séchée.
L’homme la regarde. Depuis qu’elle est arrivée, il la fixe, et elle le sait. La voyant approcher, il s’avance à son tour.
— Marianne, dit-il, je pensais que vous ne viendriez pas.
Elle le laisse prendre sa main et la baiser poliment.
— Vous n’avez pas pris beaucoup de risques, William : je dîne ici tous les soirs. Quand j’ai reçu votre invitation, j’ai d’abord cru à une mauvaise blague,
répond-t-elle avec un haussement d’épaules.
— Je connais vos habitudes. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai
choisis (choisi) ce lieu.
Ils entrent dans le restaurant. A l’intérieur du vestibule lambrissé de bois vernis, un valet accourt, se plie en deux, les
salues (salue) avec faste.
— J’avais lu qu’on vous avait arrêté, et pendu, ajoute-t-elle sur le ton de la conversation.
— Un coup de maître, en vérité,
répond-t-il pensivement. L’organisation de cette fausse exécution m’a demandé beaucoup de travail. Mais pouvoir agir alors qu’on me croit mort est un luxe appréciable. Mes services font maintenant partie des plus prisés en ville, et mes tarifs ont connu une substantielle augmentation.
Marianne ne répond rien. Elle regarde la salle principale dans laquelle le valet les a conduits. Une lumière tamisée descend des lustres fixés au plafond. Comme dans le vestibule, tous les murs sont lambrissés de bois précieux, mais ils sont ici occultés par de lourdes tentures pourpres, par des plantes vertes posées à intervalles réguliers, par des tableaux dans de grands cadres dorés. Marianne croit reconnaître un Tigual, une croute sans nom, un pâté de couleurs mélangées.
Elle en a qui orne (Si tu dis "Elle en a qui orne", ça me semble bizarre parce que dit comme ça, j'ai l'impression qu'il y a plusieurs tableaux, j'accorderais donc le verbe en conséquence... Sinon, tu peux dire "Elle en a un qui orne") l’entrée de son manoir. Pas parce qu’elle aime particulièrement ce peintre, non. Tout le monde s’accorde à dire – officieusement bien sûr – que ce Tigual n’a aucun talent. Mais ses tableaux se vendent chers, et dans le beau monde, on se doit d’en posséder au moins un.
Le maître d’hôtel arrive à grandes enjambées, un sourire factice fixé sur son gras visage. Il porte une fine moustache minutieusement entretenue, et sa veste en queue de pie volette derrière lui.
Il accueille les nouveaux arrivants. (Vraiment utile ?)— Comtesse de Mérillant, quel plaisir de vous voir ce soir ! Monsieur…
Il s’incline et baise la main que lui
tends (tend) Marianne.
— Votre table est prête, ajoute-t-il en désignant l’un des salons privés qui s’ouvre derrière les tentures pourpres. Nous allons mettre un couvert pour monsieur.
— Pas la peine, intervient William. Nous allons prendre cette table-ci. C’est moi qui vous invite, Marianne, c’est moi qui choisis la table.
Le maître d’hôtel les conduits jusqu’à
la place (l'endroit ?) désignée par William. C’est une large table, au milieu de la salle principale, recouverte d’une nappe de soie blanche.
Un bouquet de fleurs est posé dessus. (Assez lourd) Ils s’y assoient en silence. Après quelques secondes seulement, Marianne de Mérillant se relève et demande à l’homme
qui lui fait face (vraiment utile ?) de l’excuser. Elle se dirige vers les toilettes.
En l’attendant, l’autre allume une nouvelle cigarette. Il la fume rapidement, presque compulsivement. Lorsque Marianne revient dans la salle principale, il écrase la cigarette. Il se souvient que la fumée incommode la comtesse. (je ne vois pas l'intérêt de ce passage...)Marianne traverse la salle du restaurant d’un pas noble et calme. Bien sûr tout n’est qu’apparence, car la perspective de partager ce repas avec William la stresse anormalement. Elle est encore à quelques mètres de la table lorsqu’elle interpelle un serveur. Elle lui glisse quelques mots. Le serveur acquiesce et reprends son activité. Elle rejoint la table et se rassoit.
— Que lui avez-vous dit ? demande William avec une méfiance à peine dissimulée.
— Je lui ai demandé de s’occuper de notre service,
répond-t-elle simplement. C’est lui qui me sert habituellement, et comme nous ne sommes pas à ma table…
William la regarde. Cela fait plusieurs années qu’il ne l’a pas vue, et il redécouvre sa beauté. Il tente de se souvenir de ce qui l’avait séduit chez elle,
mais pourtant il n’y parvient pas (je trouve lourd ->"sans vraiment y parvenir").
Quelque chose manque à la Marianne qu’il connaissait. (je trouve la formulation maladroite) Le serveur arrive, et leur demande s’ils ont fait leur choix. Marianne s’apprête à répondre, mais l’homme qui lui fait face l’interrompt.
— Je vais commander, lui explique William. C’est moi qui vous invite, c’est moi qui choisis.
Elle ne répond rien. Elle sait qu’il s’agit juste d’une manière de lui montrer qu’il se souvient encore
de ce qu’elle aime ou n’aime pas (long et lourd, -> "de ses goûts").
— Nous allons commencer par les apéritifs, ajoute-t-il à l’intention du serveur. Pour moi, cela sera un whisky, et pour Madame… Un Bloody Marianne.
— Pardonnez-moi monsieur, s’excuse le serveur, avez-vous dit…
— Un Bloody Mary, le coupe Marianne.
Le serveur
note les commandes sur un calepin et s’éloigne avec une petite révérence.
— Nous avons encore une fois la preuve que votre humour n’amuse que vous, reproche-t-elle à William.
— Une Marianne Sanglante, répond l’intéressé. Au contraire, je trouve que cela vous sied à merveille.
— Êtes-vous venu pour me tuer ? demande-t-elle.
— Je suis venu pour dîner. Pour dîner avec vous. D’ailleurs, si j’avais eu l’intention de vous tuer, vous ne seriez pas « sanglante ».
— Il fut une époque où vous vous complaisiez dans le spectaculaire, pourtant.
— J’ai changé. Je préfère les poisons aux armes à feu désormais. Plus
raffiné. De toute manière, je n’ai pas eu le choix : mon bras droit est toujours très raide depuis cette fameuse nuit.
Il décrit un cercle avec son bras droit pour illustrer ses paroles.
— En réalité,
reprends (reprend) William, je voulais donner un sens plus métaphorique à
cet adjectif (avec le nombre de compléments, on ne retrouve pas tout de suite le bon adjectif, c'est dommage...).
Une ombre voile un instant leurs regards respectifs, et le silence retombe sur leur table. Chacun fixe l’autre, cherchant une faille dans le regard tellement connu de celui qui lui fait face. On dirait que le passé cherche à établir un lien tangible entre ces deux êtres.
Au bout de quelques minutes, le serveur rapporte les cocktails sur un plateau d’argent.
Faisant preuve d’une mémoire rompue à se souvenir avec exactitude des commandes, il dépose les verres de cristal devant William et Marianne sans se tromper. (Le serveur a noté les commandes, c.f. couleur marron... Je ne vois pas vraiment l'intérêt de cette partie...)— Ma chère, reprends William avec un ton faussement enjoué, j’
aimerai (aimerais) vous raconter une histoire.
— Une histoire ? répète-t-elle, étonnée.
— Une histoire qui, plus exactement, en est trois.
Marianne attrape son verre et
bois (boit) une longue gorgée de son cocktail. Elle s’installe confortablement, dos collé au dossier. William commence à raconter :
« Cette histoire est celle de deux êtres. Deux êtres appartenant à un monde tellement différent qu’ils n’auraient normalement jamais dû se croiser. Mais parfois le hasard – ou le destin, comme vous le préférez – s’amuse de la vie des hommes et des femmes qui peuple ce monde. Un soir, il y a de ça des années, ils se sont retrouvés au même endroit, au même moment, à l’occasion d’une soirée mondaine. Pour des raisons différentes, cela va de soi. Elle, c’est une bourgeoise désabusée, et
célibataire (répétition #1). Elle doit assurer la continuité de son nom, car elle entame la trentaine et est toujours
célibataire (répétition #2). En vérité, ses finances ne sont pas au meilleur de leur forme. Oh, elle n’est pas pauvre non plus, mais elle doit trouver un bon parti si elle désire continuer à mener son dépensier train de vie. Pourtant – tout serait trop simple sinon, n’est-il pas ? – elle est difficile, elle hésite, et repousse tous ses prétendants. Durant cette soirée, elle s’ennuie ferme, et pour tromper sa morosité, elle décide d’explorer le manoir où la fête se déroule.
Elle ouvre des portes, dérange plusieurs amants illégitimes dans leurs ébats secrets. Elle ne se doute pas alors, qu’en ouvrant la porte d’une autre chambre, elle va se trouver en face d’une tout autre scène. C’est là, qu’elle le voit.
Lui, c’est un jeune assassin (je dirais plutôt "Lui c'est un jeune assassin" (sans virgule) ou "lui, un jeune assassin", mais puisque c'est dans une histoire racontée, ça peut passer dans le style de la personne qui raconte.) – un métier comme un autre. Il est là parce qu’il travaille, et à ses pieds gît un homme
git un homme doté d’une imposante moustache blanche qui se tache lentement de pourpre. L’assassin est en train de nettoyer son arme et lui tourne le dos. « Ressortez, je vous prie, dit-il à la nouvelle arrivante. Allez profiter de la fraîcheur d’un balcon, et vous vivrez. Si je me retourne et que vous voyez mon visage, je serais forcé de vous tuer. » Pourtant, elle ne bouge pas. Peut-être espère-t-elle que l’assassin
va se retourner et lui loger (Pourquoi l'infinitif, tu pourrais utiliser le présent, je trouve que rajouterai au dramatique de la situation ->"se retourne et lui loge") quelques millimètres de plomb dans la cervelle. Il patiente quelques instants. S’il n’aime pas tuer sans contrat, il ne veut pas prendre le risque d’être reconnu. Il arme son revolver. L’autre ne bouge toujours pas. Il se retourne, bras tendu, braquant l’inconnue. Pourtant il ne tire pas. Il reste stupéfait devant cette femme. Elle est belle, mais pas exceptionnelle non plus. Il n’aime pas tuer sans contrat, mais n’y rechigne pas non plus. Alors qu’est ce qui explique cette hésitation ? Elle semble attendre si patiemment la mort qu’il refuse de
la lui accorder. Cette femme vient d’éveiller en lui un soupçon d’humanité. Il n’a plus qu’une envie, c’est lui redonner l’espoir, l’envie de vivre.
D’une certaine manière, la bourgeoise désabusée qu’elle était en entrant dans cette pièce est morte, tuée d’une balle en pleine tête. C’est une seconde vie qui s’offre à elle, une vie nouvelle, qu’elle espère enfin à la hauteur de ses attentes. Et la première chose qu’elle désire accomplir, c’est remercier celui qui lui offre la possibilité de vivre de nouveau. Elle s’approche de lui.
Ils s’embrassent.
La suite est plutôt banale. Bonheur exceptionnel selon eux. Les contrats de l’assassin leur rapportent de quoi vivre confortablement. Ils se marient, et elle achète pour l’occasion une bague superbe, ornée d’un diamant hors de prix. Elle tombe enceinte. Tout semble parfait. Hélas ! Une petite chose va venir tout briser. »
— Cette, chose, qu’est-ce ? demande Marianne, même si elle connait la réponse.
— Ceci, répond William.